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Expertise des oeuvres présumées de Picasso

En septembre 2009, 07 toiles attribuées à Picasso, découpées dans un même support, ont été soumises par la direction de la culture de Tiaret, pour expertise au musée national des beaux-arts qui possède un laboratoire de restauration et d’investigation des oeuvres peintes, doté de l’instrumentation indispensable pour ce genre d’examen.

Pour rappel, ce musée était, en 2009, la seule institution nationale à posséder l’équipement et les ressources humaines capables de procéder à un examen à l’ultraviolet et à l’infrarouge et à même d’émettre un avis scientifique de la lecture approfondie des techniques et stylistiques usitées dans les 07 oeuvres de Tiaret, par comparaison à celles en usage dans l’art moderne et au début XXème siècle.

Le musée possède également une banque de données bibliographique, muséale et documentaire concernant l’histoire de l’art universel, en particulier européen, qui permet ce genre d’analyses.

S’agissant de toiles présumées être celles d’un grand maître de l’art universel, le musée a par ailleurs pris la précaution supplémentaire de faire appel à un grand peintre algérien, qui a fait ses études à l’école supérieure des beaux-arts de Paris en 1947, ancien lauréat et pensionnaire de la Casa Velasquez 1951. Sa connaissance approfondie des techniques de l’art moderne et ses remarques, très pertinentes, sont venues corroborées les appréciations et observations déjà émises par le musée.

Certaines observations ont donc pu être tirées de ces examens à divers niveaux, qui ont dans, leur ensemble abouti, à la conclusion préliminaire, que l’on ne pouvait que douter de l’attribution des 07 toiles découvertes au fond d’un puits à Tiaret, à ce grand maître universel.

Ces principales appréciations sont les suivantes :

– L’examen sous rayonnement ultra-violet a permis de constater que les 7 peintures de Tiaret avaient toutes été réalisées sur des supports identiques, une toile de coton recouverte d’une préparation industrielle fine de couleur blanche, le revers étant enduit d’une couche de bitume ; même en imaginant qu’un artiste conserve dans son atelier un stock d’un même support, il est bien rare, sinon impensable que sur un laps de temps qui va sur presque dix ans, se retrouvent les mêmes préparations sans variation aucune.

– Autre observation, la couche d’huile de lin et celle de bitume dégageaient, au moment de l’expertise, une forte odeur, ce qui démontre également l’improbabilité d’une ancienneté de 60 années, même en considérant l’humidité du puits où ils ont été trouvés.

– La similitude des techniques, des matériaux et du support, voire de la découpe des deux oeuvres portant une datation différente 1937 et 1944, démontre également que l’on se trouve face à des oeuvres exécutées d’un seul tenant: sachant que tous les artistes évoluent au cours de leur parcours, on ne peut qu’être surpris, au premier regard, de la similitude parfaite de ces toiles, les thèmes appartenant bien à des périodes différentes de l’artiste.

– Les sept toiles avaient été badigeonnées d’un seul geste, d’huile de lin mélangée à un diluant formant une couche épaisse et irrégulière de couleur brune qui a complètement déformé la perception de la couleur : sachant combien Picasso fut un coloriste de talent, en témoignent ses différentes périodes, on ne peut que s’interroger sur la sagacité d’un tel geste.

– Le musée a également procédé à des comparaisons stylistiques concernant la manière qu’avait le grand maître espagnol d’aborder le tracé des yeux, des cornes et des mains : aucun rapprochement entre des oeuvres reconnues de Picasso et ces sept oeuvres n’a permis de retrouver l’usage de techniques similaires. Au contraire, les oeuvres de Tiaret ont à chaque fois révélées une lourdeur dans le dessin, un manque de volume, une symétrie systématique qui n’étaient pas dans la manière de Picasso dont le dessin était extrêmement précis, savant et rigoureux.

– Enfin, le rapprochement minutieux qui a été fait entre des graphologies authentiques et celles soumises à l’expertise, a lui aussi montrer de grandes différences, révélant même l’existence de fautes d’orthographe sur la phrase portée au bas de l’oeuvre intitulée « la femme au miroir cassé».